La défaite stratégique à venir d’Israël

En dépit des nombreux succès militaires israéliens depuis le 7 octobre, le pays hébreu, de plus en plus isolé, voit son avenir compromis par ses propres actions.

Article publié le Sep 03, 2025
Sebastien Masson
Troisième année à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baratin :
Sebastien Masson,"La défaite stratégique à venir d’Israël ", [en ligne] BARA think tank, Sep 03, 2025, "https://www.bara-think-tank.com/baratin/la-defaite-strategique-a-venir-disrael"

Le “Pearl Harbor” israélien : 

Le 7 octobre 2023 est un traumatisme pour l’État hébreu. Militairement, c’est une véritable déroute pour le renseignement israélien (Aman et Shin Bet principalement) qui avaient eu connaissance des préparatifs du Hamas mais en avaient édulcoré la menace.

Au lendemain de ces attaques, le gouvernement Netanyahou, pourtant affaibli en raison de ses tentatives de réformes illibérales à l’encontre du système judiciaire, voit se former derrière lui un consensus. L’objectif est clair : rétablir par la force la dissuasion israélienne. 

La multiplication des opérations : 

L’État hébreu s’engage alors sur tous les fronts. Le 27 octobre 2023, Israël lance une offensive terrestre à Gaza. En avril 2024, Israël s’en prend à des hauts responsables iraniens en Syrie. En octobre, il lance une opération terrestre au Liban puis en Syrie en décembre. 

Enfin en juin dernier, l’Iran et Israël entament une guerre de 12 jours au cours de laquelle Israël a décapité plusieurs hauts-dignitaires du corps des gardiens de la révolution. Celle-ci s’est soldée par une opération de destruction des sites nucléaires iraniens avec l’appui américain. 

Des réussites saisissantes… 

Moins de 2 ans après le 7 octobre, le bilan militaire des actions israéliennes est saisissant : les capacités balistiques et de DCA de l’Iran sont quasi-anéanties, le Hamas et le Hezbollah ont été décapités et le sud Liban ainsi que le sud-ouest de la Syrie sont désormais maîtrisés.  

De même, Israël a marqué ses adversaires par la pénétration de leurs réseaux. On se souviendra notamment de l’explosion des bipeurs à l’automne 2024, ou encore des frappes de haute précision effectuées contre les hauts responsables iraniens. 

… À un coût exorbitant 

Toutefois, impossible de mentionner ces “victoires” israéliennes sans les juxtaposer avec la trop grande tolérance pour les victimes civiles. À Gaza par exemple, plusieurs études évoquent un nombre de morts supérieur au 57 000 annoncés par le ministère de la Santé gazaoui.

En réalité, le gouvernement Netanyahou s’est progressivement enfermé, consciemment ou non, dans une logique de fuite en avant. Un cercle de violence s’est ainsi consolidé : chaque camp puise dans les exactions de l’autre une haine existentielle à son encontre.

Le retournement du soutien occidental 

Cette logique de fuite en avant se retranscrit par exemple lorsque Smotrich déclare que la libération des otages n’est plus une priorité. De même, à Gaza, le Hamas a intérêt à s’engager dans cette rhétorique, puisque son assise se fonde sur le malheur de la population. 

Aussi, Israël apparaît de plus en plus perçu comme un facteur de déstabilisation. En Syrie par exemple, l’envoyé spécial américain Thomas Barrack a qualifié les frappes israéliennes contre le pouvoir de “poorly timed” et compliquant les efforts de stabilisation.

Face à cela, plusieurs pays au rang desquels la France ont progressivement changé de discours. Affirmant encore récemment le “droit d’Israël à se défendre” face aux exactions de Tsahal, celle-ci a désormais reconnu l’existence d’un État palestinien. 

Les difficultés à venir : 

En retour, Israël persiste dans sa logique, notamment en actant la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie pour empêcher la reconnaissance pratique de l’État palestinien (cf projet E1). 

Par ailleurs, de nombreux analystes soulignent que malgré l’aide des États-Unis, le programme nucléaire iranien n’a pas été complètement détruit. Désormais, c’est à l’Iran de rétablir une dissuasion dont la crédibilité sera probablement dépendante de l’arme nucléaire.

Ainsi, l’absence d’effort diplomatique israélien pour stabiliser la région au profit d’une politique militaire du fait accompli ne peut, à terme, qu’engendrer une défection des alliés et une mobilisation accrue des ennemis, alimentée par la perpétuation d’un cercle de violence.

Afficher les sources

Bernas, A. (8 juillet 2025). Bande de Gaza : le nombre de morts dépasserait largement les chiffres officiels. RFI.

Kaye, D. D. (1 août 2025). Israel’s Squandered Victory: Gains Against Iran Won’t Translate Into Regional Peace. Foreign Affairs.

Ami Ayalon (5 août 2025). Israel Is Fighting a War It Cannot Win. Foreign Affairs.

Richard Nephew (26 juin 2025). Did the attacks on Iran succeed? Foreign Affairs.

Suzanne Maloney (6 août 2025). Iran's dangerous desperation. Foreign Affairs.