Sanctions européennes : levier ou illusion ?

La Commission européenne propose des sanctions inédites contre Israël, mêlant restrictions commerciales et mesures politiques, mais leur adoption divise l’Union européenne.

Article publié le Sep 17, 2025
Maéva Noé
Troisième année à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baratin :
Maéva Noé,"Sanctions européennes : levier ou illusion ?", [en ligne] BARA think tank, Sep 17, 2025, "https://www.bara-think-tank.com/baratin/sanctions-europeennes-levier-ou-illusion"

Des sanctions politiques ciblées

La Commission européenne a proposé de sanctionner deux ministres israéliens d’extrême droite : Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich, ministre des Finances. Ces deux figures avaient déjà été visées en 2024, sans succès faute d’unanimité.

Ces sanctions, qui exigent l’accord unanime des 27 États membres, visent aussi certains colons extrémistes en Cisjordanie. Kaja Kallas, la vice-présidente, a rappelé que « Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. »

Une suspension commerciale inédite

Bruxelles propose pour la première fois depuis le début du conflit d’imposer de nouveaux droits de douane aux exportations israéliennes. Ces mesures toucheraient surtout le secteur agricole, avec des taxes comprises entre 8 % et 40 %.

« Je veux être très claire, le but n’est pas de punir Israël. Le but est d’améliorer la situation humanitaire à Gaza », a affirmé Kaja Kallas. L’augmentation du coût pour Israël est estimée à 227 millions d’euros par an, principalement dans l’agroalimentaire.

L’UE, premier partenaire commercial d’Israël

Les exportations israéliennes vers l’Union européenne atteignaient 15,9 milliards d’euros en 2024, soit près de 37 % du commerce total avec celle-ci. Bruxelles reste de loin le premier partenaire économique d’Israël.

La suspension de l’accord d’association, même partielle, aurait une portée symbolique importante. Elle concernerait 37 % des exportations israéliennes, un volume ciblé mais qui illustre la volonté européenne de peser sur Tel-Aviv.

Des divisions persistantes entre États membres

Certains pays, comme l’Espagne, l’Irlande, la Belgique et la France, défendent ces mesures au nom de la défense du droit international et des droits humains. Ils plaident pour une action ferme face à la situation humanitaire de Gaza.

Mais la majorité qualifiée requise pour les sanctions commerciales reste difficile à obtenir. Des diplomates rappellent que des propositions plus limitées ont déjà échoué, faute du soutien de l’Allemagne et de l’Italie, deux partenaires stratégiques d’Israël.

Une portée surtout symbolique

Ursula von der Leyen a insisté sur le caractère « inacceptable » de la famine volontaire et des destructions dans la bande de Gaza. Les mesures proposées sont présentées comme un outil humanitaire, même si leur efficacité économique reste discutée.

Israël, de son côté, a dénoncé une « perversion morale et politique » et prévenu que toute sanction recevrait une « réponse appropriée ». L’affrontement diplomatique est désormais ouvert.

Des enjeux juridiques

L’accord UE-Israël repose sur une clause de conditionnalité liée aux droits humains. Bruxelles s’appuie sur cette base pour justifier une suspension partielle, une pratique rare mais juridiquement légitime.

Les nouvelles taxes s’alignent sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce. En annulant les exemptions, l’Union européenne n’enfreint pas ses engagements : elle se contente d’appliquer les tarifs douaniers standards prévus.

Une stratégie de pression progressive

Ces sanctions s’inscrivent dans une stratégie de pression graduelle. La Commission privilégie des mesures économiques ciblées avant d’éventuelles décisions plus lourdes. L’objectif reste d’inciter Israël à infléchir sa politique militaire.

L’Union européenne a insisté sur le fait que les sanctions ne visaient pas la société civile israélienne. Les aides aux Organisations non-gouvernementales et aux Palestiniens sont maintenues, afin de soutenir les populations et éviter tout effet contre-productif.

Répercussions diplomatiques internationales

Aux États-Unis, alliés d’Israël, l’initiative européenne est perçue avec prudence : Washington préfère encore miser sur la voie diplomatique. Ainsi, une fracture transatlantique reste un risque en cas de durcissement européen.

Dans le monde arabe, ces propositions sont accueillies comme un signal attendu mais jugé trop limité face à la gravité du conflit. L’ONU, qui a récemment évoqué un « génocide » à Gaza, espère que ces mesures renforceront la pression internationale sur Israël, après avoir voté la mise en œuvre de la solution à deux États.

Afficher les sources

Bachler, E. (2025, 17 septembre). Conflit à Gaza : la Commission européenne va proposer des sanctions à l’encontre d’Israël. Toute l’Europe.

Le Monde avec AFP. (2025, 17 septembre). Gaza : la Commission européenne veut taxer une partie des exportations israéliennes vers l’UE, Israël avertit que toute sanction recevra une « réponse appropriée ». Le Monde.

Libération & AFP. (2025, 17 septembre). Guerre à Gaza : la Commission européenne propose de nouvelles sanctions contre Israël. Libération.

Les Échos. (2025, 17 septembre). Guerre à Gaza : la Commission européenne propose de suspendre des accords commerciaux avec Israël. Les Échos.

Politico Europe. (2025, 16 septembre). Brussels to propose sanctions against Israel as Gaza war escalates.

Euronews. (2025, 16 septembre). Kaja Kallas confirme la volonté de l'UE de suspendre en partie l'accord d'association avec Israël.