Karol Nawrocki, profil d’un conservateur dur

Né en 1982, Nawrocki est historien et a dirigé de 2021 à 2024 l’Institut de la Mémoire nationale, clé de la politique mémorielle du PiS. Il y a mené une réécriture patriotique de l’histoire, exaltant l’héroïsme polonais contre le nazisme et le communisme.

Issu d’une frange dure du conservatisme, Nawrocki a été propulsé par Jarosław Kaczyński, figure tutélaire du PiS. Il s’est imposé dès le premier tour avec 52,6 % des voix, devançant largement la candidate libérale Malgorzata Kidawa-Błońska.

Un programme ancré dans les années PiS

Nawrocki rejette le pacte migratoire européen, défend une Pologne “chrétienne et souveraine”, hostile à l’avortement et aux droits des personnes LGBTQ+. Il soutient une ligne ferme vis-à-vis de l’Allemagne et prône une politique étrangère souverainiste.

Sur le plan économique, il reprend les recettes du PiS : redistribution sociale, aides aux familles, opposition à l’euro, et hausse du budget militaire à 5 % du PIB, dans un contexte de tensions persistantes avec la Russie et le Bélarus.

Retour sur l’héritage illibéral du PiS

Le PiS a gouverné entre 2015 et 2023. Dès 2017, il réforme le Conseil national de la magistrature, brisant l’indépendance judiciaire. La Cour de justice de l’UE condamne Varsovie à plusieurs reprises, sans que les décisions soient appliquées.

Parallèlement, les médias publics sont transformés en instruments de propagande. Le PiS impose aussi des lois limitant le droit à l’avortement (2020), crée des “zones sans LGBT” et tente de contrôler les ONG. L’UE gèle alors plusieurs fonds structurels.

Le pouvoir présidentiel selon la Constitution

Adoptée en 1997, la Constitution polonaise donne au président le pouvoir de nommer les juges, proposer des lois et surtout poser un veto législatif. Ce veto ne peut être levé qu’à la majorité des 3/5 des députés, soit 276 voix sur 460.

Or, la coalition de Donald Tusk, issue des élections législatives d’octobre 2023, ne dispose que de 248 sièges. Elle se retrouve donc structurellement exposée aux blocages institutionnels du président Nawrocki, sur tous les dossiers majeurs.

Un gouvernement Tusk affaibli mais debout

Premier ministre depuis décembre 2023, Tusk a reconquis Varsovie sur une ligne pro-européenne. Il a tenté de restaurer l’état de droit, de libéraliser les médias et de débloquer les fonds européens. Plusieurs réformes ont été adoptées entre janvier et mai 2025.

L’élection de Nawrocki ouvre une période de cohabitation conflictuelle. Faute de majorité renforcée, Tusk devra négocier ou édulcorer ses projets. Il peut s’appuyer sur son réseau européen mais reste contraint sur le plan intérieur.

Pour l’Europe, un signal d’alerte

La victoire de Nawrocki marque un revers pour Bruxelles. Alors que Tusk avait obtenu le déblocage de 110 milliards d’euros gelés, les institutions européennes craignent un retour des entraves judiciaires et un recul démocratique en Pologne.

Sur les dossiers clés (Ukraine, climat, élargissement), Varsovie pourrait adopter une ligne de rupture. L’axe Orban–Nawrocki–Fico redessine un pôle d’opposition interne à l’UE, au moment où les élections européennes de 2026 s’annoncent décisives.