Macron-Meloni : alliance fragile ou rupture stratégique ?

Le 3 juin 2025, Macron rencontre Meloni à Rome. L’objectif est d’apaiser les tensions durables sur l’Europe.

Article publié le Jun 05, 2025
Maéva Noé
Deuxième année à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baratin :
Maéva Noé,"Macron-Meloni : alliance fragile ou rupture stratégique ?", [en ligne] BARA think tank, Jun 05, 2025, "https://www.bara-think-tank.com/baratin/macron-meloni-alliance-fragile-ou-rupture-strategique"

Des liens franco-italiens en tension constante

Les relations entre la France et l’Italie alternent coopération et crispations. Les crises migratoires ou divergences politiques ravivent souvent les tensions, malgré des moments de forte convergence diplomatique entre les deux capitales.

L’épisode de l’Ocean Viking ou les critiques françaises envers Fratelli d’Italia ont généré de vives réactions italiennes. Les déclarations de Gérald Darmanin ont, par exemple, conduit à l’annulation d’une visite officielle de Tajani à Paris.

Deux visions opposées de l’Europe

Macron défend une Europe intégrée et puissante. Il milite pour plus de souveraineté commune, de défense partagée et d’autonomie stratégique. Meloni, en revanche, propose une Europe des nations fondée sur l’identité, le pragmatisme et la souveraineté.

Elle utilise l’Europe comme levier économique tout en souhaitant l’infléchir idéologiquement. Cette dernière veut réaffirmer les valeurs traditionnelles contre le « wokisme » et renforcer les États au détriment d’une intégration fédéraliste poussée.

Un désaccord croissant sur l’Ukraine

Les deux dirigeants soutiennent l’Ukraine, mais divergent sur les moyens. Macron pousse à l’implication européenne, y compris militaire. Meloni, soumise au pacifisme italien, refuse tout envoi de troupes et prône une position plus prudente.

Cette prudence italienne s’explique par une culture profondément pacifiste, héritée du catholicisme, du passé communiste et de l’histoire du fascisme. L’opinion italienne, majoritairement opposée à la guerre, limite fortement la marge de Meloni.

Trump, point de clivage stratégique

Macron adopte une posture ferme face à Trump en prônant une Europe autonome face aux États-Unis. Meloni, elle, entretient une relation étroite avec l’ex-président américain et préfère la médiation à la confrontation sur la scène transatlantique.

Présente à l’investiture de Trump, elle tente de jouer un rôle d’intermédiaire entre Washington et l’UE. Elle partage avec Trump et Musk certaines références idéologiques comme le rejet du progressisme et la valorisation des racines identitaires.

Une rivalité pour le leadership européen

Meloni entend profiter de l’affaiblissement de la France et de la crise allemande pour s’imposer comme leader européen. Elle joue sur sa stabilité politique, sa popularité nationale et la cohésion de sa coalition pour peser davantage dans l’UE.

Macron, affaibli en fin de mandat, peine à faire entendre sa voix. Meloni se projette en nouvelle figure forte d’une Europe des nations et cherche à structurer un camp conservateur européen, capable d’influencer les équilibres bruxellois.

Une coopération relancée mais incertaine

Malgré leurs désaccords, Macron et Meloni réaffirment des intérêts communs. Le sommet du 3 juin marque une volonté d’apaisement. Le communiqué évoque la défense, l’immigration et une simplification des règles budgétaires européennes.

Le Traité du Quirinal reprend vie avec la perspective de réunions bilatérales régulières. Les ministres coopèrent activement sur plusieurs dossiers, comme une preuve que malgré les tensions idéologiques, le dialogue politique reste possible et nécessaire.

Afficher les sources

Lazar, M. (2025, 4 juin). Emmanuel Macron et Giorgia Meloni à Rome : le grand contexte d’une explication stratégique. Le Grand Continent.

Ricard, P., Kaval, A. (2025, 4 juin). À Rome, Emmanuel Macron tente d’apaiser les tensions accumulées avec Giorgia Meloni. Le Monde.