Le “Parti de l’Amérique” déjà voué à l’échec ?

Après sa rupture avec Trump, Elon Musk fonde un parti pour rompre la bipolarisation, malgré les échecs passés des tiers partis.

Article publié le Jul 10, 2025
Maéva Noé
Deuxième année à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baratin :
Maéva Noé,"Le “Parti de l’Amérique” déjà voué à l’échec ?", [en ligne] BARA think tank, Jul 10, 2025, "https://www.bara-think-tank.com/baratin/le-parti-de-lamerique-deja-voue-a-lechec"

Une rupture politique personnelle

La discorde entre Musk et Trump autour de la loi budgétaire adoptée début juillet, creusant la dette, est à l’origine du Parti de l’Amérique. Musk, hostile à ce qu’il considère comme un gaspillage fiscal, coupe les ponts et passe à l’offensive politique.

Mais cette décision ressemble plus à un acte d’orgueil qu’à une volonté de réforme. Blessé par les critiques et menaces de Trump, Musk agit dans un esprit de revanche. L’impulsion personnelle semble primer sur un réel projet collectif structuré.

Le rêve du troisième parti, une illusion tenace

L’histoire politique américaine est remplie d’initiatives semblables. Le système électoral, basé sur le scrutin majoritaire à un tour, étouffe systématiquement toute tentative de rupture avec le duopole démocrate-républicain.

Même le milliardaire Ross Perot, ayant une forte popularité dans les années 1990, n’a jamais pu percer durablement. Musk risque donc de subir le même sort, malgré son influence et sa fortune. Ce système ne laisse que peu de place aux outsiders.

Une image publique affaiblie par ses propres choix

Loin de faire consensus, Musk divise. Son passage à la tête du DOGE fut marqué par des coupes budgétaires violentes et impopulaires. De sauveur économique, il est devenu symbole de brutalité et d’impréparation en politique.

Son ralliement à Trump en 2024 puis son retournement brouillent sa cohérence. Pour les démocrates, il est compromis ; pour certains républicains, il est un traître. Il apparaît plus instable qu’indépendant, plus opportuniste qu’idéologue.

Inéligible, donc in-incarnable

En tant que natif d’Afrique du Sud, Elon Musk ne peut pas convoiter la présidence des États-Unis. Cela constitue une limite constitutionnelle. Or, dans une démocratie hyper-présidentialisée, cela réduit fortement l’impact politique d’un nouveau parti.

Sans personnalité centrale, le Parti de l’Amérique semble vain. Musk peut financer, communiquer, critiquer, mais il ne peut pas personnifier l’alternative. Cela bride mécaniquement l’élan du mouvement, qui semble sans horizon électoral crédible.

Une base sociale floue et divisée

Musk prétend incarner la voix des « 80 % du milieu » lassés du clivage, mais ce centre est largement mythifié. Aux États-Unis, les électeurs modérés sont souvent attachés à un grand parti, malgré leur déception envers les élites.

Les soutiens potentiels de Musk – libertariens, technophiles – restent marginaux. Ce n’est pas une base électorale solide à l’échelle nationale. L’idée d’un socle central unifié semble davantage relever du fantasme que du calcul.

Une nuisance ponctuelle, mais pas négligeable

Musk conserve un pouvoir de nuisance important : il est riche, médiatique, et possède le réseau social X. Il peut s’attaquer à des candidats républicains en difficulté, influencer les primaires ou faire perdre des sièges-clés à son ancien allié.

Mais cette influence reste dispersée car elle ne permet pas la construction d’un véritable contre-pouvoir. S’il peut affaiblir Trump ou embêter le Parti républicain, Musk ne semble pas en mesure de proposer une alternative viable à long terme.

Afficher les sources

Teillard, N. (2025, 7 juillet). Après sa rupture avec Donald Trump, Elon Musk lance son mouvement politique aux États-Unis [Audio]. Radio France. 

Paris, G. (2025, 7 juillet). Avec le Parti de l’Amérique, Elon Musk rompt avec Trump et espère attirer les électeurs frustrés par la bipolarisation aux États-Unis. Le Monde.