La Roumanie au bord du basculement politique ?

Le score inédit de l'extrême droite bouleverse l’équilibre politique roumain après le premier tour de la présidentielle.

Article publié le May 08, 2025
Maéva Noé
Deuxième année à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baratin :
Maéva Noé,"La Roumanie au bord du basculement politique ?", [en ligne] BARA think tank, May 08, 2025, "https://www.bara-think-tank.com/baratin/la-roumanie-au-bord-du-basculement-politique"

Une démission symbolique de la crise du pouvoir

Le Premier ministre Marcel Ciolacu a démissionné après la défaite de son camp au premier tour. Ce retrait fragilise la coalition pro-européenne qui gouvernait le pays depuis 2021 avec le soutien du PSD, du PNL et du parti de la minorité hongroise.

En attendant le second tour, l’intérim est assuré par Catalin Predoiu, ministre libéral de l’Intérieur. Le gouvernement, sans majorité, ne gérera que les affaires courantes. Cette démission marque une rupture dans la stabilité politique construite depuis trois ans.

George Simion, favori populiste et trumpiste

Avec plus de 40 % des voix, George Simion s’impose comme le grand vainqueur du premier tour. Leader de l’extrême droite AUR, il séduit avec un discours souverainiste, proche de l’idéologie MAGA, et un style provocateur assumé.

Il propose de nommer Calin Georgescu, figure prorusse controversée, comme Premier ministre. Cette annonce alimente les inquiétudes sur l’orientation future de la Roumanie, notamment vis-à-vis de l’Union européenne et de l’OTAN.

Le centrisme en difficulté face au vote identitaire

Nicusor Dan, maire de Bucarest, défendra au second tour une ligne pro-européenne. Arrivé deuxième avec 21 %, il peine à élargir sa base électorale en convaincant au-delà des centres urbains acquis depuis son parcours anti-corruption.

Pour espérer l’emporter, il doit mobiliser un électorat progressiste. Sa stratégie repose sur un sursaut démocratique face à la menace isolationniste. Mais à ce jour, les appels clairs au soutien de son camp restent timides.

Un électorat rural et conservateur déterminant

Les électeurs du Parti social-démocrate, majoritairement ruraux, détiennent un rôle décisif dans l’entre-deux-tours. Leur vote est imprévisible : hostiles à l’extrême droite, ils se méfient aussi du centrisme progressiste incarné par Nicusor Dan.

Marcel Ciolacu n’a donné aucune consigne claire, laissant le choix à la « conscience » des sympathisants du PSD. L’absence d’un front républicain cohérent face à l’AUR pourrait donc favoriser George Simion, qui progresse dans ces territoires.

Le vote de la diaspora, décisif et protestataire

George Simion a remporté plus de 60 % des voix chez les expatriés roumains, avec des records en Italie, Espagne et Allemagne. Ces scores traduisent un rejet profond des partis traditionnels jugés corrompus et inefficaces.

Le vote identitaire, combiné à une colère sociale, s’exprime fortement au sein de cette diaspora. Environ 5 millions de Roumains vivent à l’étranger, soit près de 20 % de la population, et leur poids électoral pourrait faire basculer l’élection.

Un tournant stratégique pour l’UE et l’OTAN

Si Simion gagne, il promet une diplomatie plus nationaliste. Il critique l’aide à l’Ukraine, veut doubler le budget militaire et renforcer les liens avec les États-Unis de Trump, tout en remettant en cause plusieurs engagements européens.

La présidence roumaine, bien que symbolique, oriente la politique étrangère et nomme le Premier ministre. Une victoire de l’AUR isolerait la Roumanie sur la scène européenne et renforcerait le camp des dirigeants eurosceptiques dans l’UE.

Afficher les sources

Chastand, J.-B. (2025, 5 mai). Présidentielle en Roumanie : George Simion, candidat de l’extrême droite, obtient un score écrasant au premier tour. Le Monde

Chastand, J.-B. (2025, 6 mai). La Roumanie bascule dans une crise gouvernementale après la performance de l’extrême droite au premier tour de la présidentielle. Le Monde

Brezar, A. (2025, 6 mai). Présidentielle en Roumanie : le score de l’extrême droite pousse le Premier ministre à la démission. Euronews