Cambricon Technologies frappe un grand coup. Au premier semestre 2025, son chiffre d’affaires a bondi de plus de 4 348 % sur un an, atteignant 2,88 milliards de yuans (environ 403 millions de dollars), un record depuis son introduction en bourse en 2020.

Le fabricant de puces est sorti du rouge avec un bénéfice net de plus d’un milliard de yuans sur la période, contre une perte l’an dernier. Ces résultats propulsent cette jeune entreprise fondée en 2016 sur le devant de la scène technologique chinoise.

« Petite Nvidia » de Pékin, Cambricon s’affirme désormais comme le challenger numéro un des processeurs américains sur le marché chinois, portée par la ruée vers l’IA et les ambitions d’indépendance technologique de la Chine. ‍

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‍Une ascension fulgurante

La publication des résultats a déclenché une euphorie boursière. L’action Cambricon, a vu son cours s’envoler de plus de 100 % en l’espace d’un mois cet été, la propulsant brièvement au rang de titre le plus cher de la Bourse chinoise continentale fin août.

Un signal fort est venu de DeepSeek, qui a annoncé en août avoir entraîné son dernier modèle d’IA avec un format de données « adapté aux puces maison de prochaine génération », laissant entendre l’arrivée imminente de nouveaux processeurs chinois performants.

Plus largement ce message est une déclaration claire et puissante, la Chine cherche à s’extraire de la tutelle commerciale américaine et développer des secteurs économiques autarciques n’est pas anodin, dans un climat politique de plus en plus tendu.

L’ascension de Cambricon est l’arbre qui cache la montagne. Le secteur des technologies de pointe chinois tout entier s’émancipent de l’occident, toujours dans l’ambition du projet “Made in China 2025”.

Un contexte géopolitique déterminant…

L'explosion de Cambricon sur la scène internationale s’explique largement par le contexte politique. D’un côté, Washington a durci en 2022 ses contrôles d’exportation de semi-conducteurs vers la Chine, privant les géants locaux d’accès aux GPU Nvidia les plus performants.

De l’autre, Pékin fait de l’autosuffisance technologique une priorité nationale, accélérant les investissements dans les puces made in China et incitant fortement ses champions du numérique à adopter des solutions locales.

Dès 2024, les autorités chinoises auraient ainsi commencé à dissuader les entreprises de commander des puces Nvidia. La semaine passée, l’Administration chinoise du cyberespace a ordonné à des groupes comme Alibaba ou ByteDance de cesser d’acheter des puces d’IA américaines.

Pékin, qui a convoqué Huawei et Cambricon pour évaluer leurs nouvelles puces face aux produits de Nvidia, estime désormais que les processeurs chinois offrent des performances « égales ou supérieures » aux modèles limités que Nvidia offre au marché chinois.

…Qui alimente l’euphorie sectorielle

L’engouement pour l’IA a déclenché une véritable guerre commerciale. Les géants de la tech chinois redoublent d’investissements pour développer leurs propres modèles ce qui implique d'acheter massivement des processeurs. L’enjeu est alors de savoir qui va les vendre.

Faute de pouvoir se procurer aisément les dernières puces américaines, ces acteurs se tournent de plus en plus vers les fournisseurs nationaux tels que Cambricon. Cette conjonction de facteurs a alimenté une hausse spectaculaire de l’ensemble des valeurs locales liées à l’IA.

L’indice tech/IA a grimpé de 60 % depuis janvier, surperformant nettement le marché. Les investisseurs parient désormais que la Chine peut « répliquer au moins en partie le boom de l’IA américain », et que le volontarisme de Pékin va doper durablement le secteur.

Un pari technologique et boursier

La flambée de Cambricon reste toutefois aussi spéculative que stratégique. Du point de vue boursier, la société affiche une valorisation surréelle: son action se négocie à plus de 500 fois les bénéfices réalisés (ratio P/E ≈ 500) contre seulement 50 fois pour Nvidia.

Après un gain spectaculaire de +383 % en 2024, le titre a encore bondi de plus de 500 % depuis l’automne dernier. La progression a été telle que Cambricon a dû publier un avertissement officiel sur les risques de surévaluation.

« Les investisseurs oscillent entre l’espoir de voir Cambricon remplacer les puces étrangères et la crainte d’une bulle spéculative » résume Jiaxing Li, spécialiste des marchés chinois. En Chine, le challenger nourrit à la fois les espoirs des investisseurs et des autorités.

Cambricon est une start-up d’innovation technologique qui doit se transformer en titan de production industrielle, capable de supporter la demande chinoise à elle-seule. Cette métamorphose est le plus grand défi qui l’attend.

La bataille qui attend Cambricon se jouera sur le terrain technologique. Le prochain processeur de la firme, le Siyuan 690 est annoncé comme proche des performances du Nvidia H100, la référence du secteur, mais l’entreprise de Pékin reste confrontée à des défis structurels.

Jusqu’à récemment, Cambricon pâtissait d’un certain retard en fabrication : son accès limité aux nœuds de gravure les plus fins, du fait des sanctions américaines, a longtemps pénalisé l’efficacité de ses puces face aux modèles occidentaux.

Malgré les progrès, la production de masse de ces semi-conducteurs de pointe dépend encore de fonderies chinoises comme SMIC, dont les technologies restent plusieurs générations en retrait par rapport à celles du géant taïwanais TSMC.

Cambricon symbolise l’offensive de la Chine pour s’affranchir de la tutelle technologique américaine. Modeste start-up issue des laboratoires de l’Académie des sciences de Pékin, l’entreprise fondée par les frères Chen s’est muée en fer de lance national des puces d’IA.

Son destin est lié aux ambitions stratégiques de Pékin. Si Cambricon accomplit la destinée qui lui est promise par les autorités chinoises, elle deviendra un atout et acteur incontournable de l’économie mondiale, symbole de l’excellence chinoise.

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C’est un moment clef dans l’évolution du nouveau champion chinois qui a toute ses preuves à faire afin de permettre à l’empire du milieu de s’imposer dans ce qui est en 2025 le secteur le plus stratégique au monde.