Une victoire éclatante pour ANO

Le parti ANO obtient 34,5 % des voix et 80 sièges, loin devant la coalition Spolu, affaiblie à 23,3 %. Andrej Babiš retrouve ainsi le pouvoir, quatre ans après l’avoir quitté, porté par un électorat lassé des promesses du gouvernement sortant.

Son parti triomphe dans 13 régions sur 14, confirmant sa mainmise sur les zones rurales. Seule Prague résiste, bastion des libéraux pro-européens. Cette fracture territoriale illustre la division croissante entre une capitale prospère et une périphérie oubliée.‍

Un paysage politique bouleversé

Les partis traditionnels de centre droit reculent, victimes d’un désenchantement général. STAN obtient 11,2 %, les Pirates 8,9 %, tandis que le SPD tombe à 7,8 %. Motoristé sobě, parti anti-Pacte vert, entre pour la première fois au Parlement.

La gauche disparaît du jeu politique. Stačilo !, l’alliance des sociaux-démocrates et des communistes, échoue à franchir les 5 %. Pour la deuxième fois, la gauche tchèque n’a plus de siège, symbole d’un électorat désormais capté par les populistes.

Un gouvernement difficile à former

Malgré sa victoire, Andrej Babiš ne dispose pas d’une majorité absolue. Il doit obtenir 101 voix pour gouverner et envisage un cabinet minoritaire avec le soutien ponctuel du SPD et des Motoristes.

Ces alliances sont fragiles. Le président Petr Pavel, pro-européen et ferme défenseur de l’État de droit, reste prudent. Il pourrait refuser une coalition trop marquée à l’extrême droite, maintenant la République tchèque dans une impasse politique temporaire.

Qui est Andrej Babiš ?

Né à Bratislava en 1954, fils de diplomate, Babiš a étudié l’économie avant de fonder le groupe Agrofert, devenu un empire agroalimentaire. Sa fortune lui confère une influence économique majeure.

Il entre en politique en 2011 en créant ANO, parti anticorruption et "ni droite ni gauche". Ministre des Finances, puis Premier ministre (2017-2021), il gouverne en technocrate autoritaire. Battu à la présidentielle de 2023, il revient avec un populisme plus appuyé.

Un populisme plus pragmatique qu’idéologique

Andrej Babiš se dit "pro-UE et pro-OTAN", mais critique la bureaucratie de Bruxelles et la lenteur des institutions européennes. Son discours met en avant la souveraineté nationale et la priorité donnée aux Tchèques.

Plus pragmatique qu’idéologue, il adapte son message au climat social. Ancien libéral, il s’est recentré sur la protection des revenus, la défense des retraités et la critique des élites, mêlant promesses sociales et rhétorique anti-système.

Quelles promesses sociales et pour l'Ukraine ?

Son programme repose sur des mesures concrètes : baisse de la TVA, revalorisation des pensions, aides familiales et plafonnement des prix de l’énergie. Babiš se présente en défenseur du pouvoir d’achat.

Mais il veut réduire l’aide à Kiev, jugée coûteuse. Ce virage risque d’affaiblir le rôle central de Prague dans le soutien à l’Ukraine. Toutefois, il reste fidèle à l’OTAN et refuse tout rapprochement avec Moscou, se voulant "réaliste, pas prorusse".

Des institutions garantes d’équilibre

Malgré sa victoire, Babiš doit composer avec des contre-pouvoirs solides : le Sénat, la Cour constitutionnelle et le président Pavel peuvent freiner toute dérive illibérale.

Sous le coup d’un nouveau procès pour fraude européenne, il reste surveillé par la justice. Les institutions démocratiques tchèques, éprouvées mais solides, devraient contenir les excès du populisme et préserver l’ancrage européen du pays.