Quel bilan de la tournée sud-est asiatique de Xi Jinping ?

Article publié le Apr 29, 2025
Élise ROY
4ème année, Master Relations Internationales à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baragouin :
Élise ROY, "Quel bilan de la tournée sud-est asiatique de Xi Jinping ?", BARA think tank, publié le Apr 29, 2025, [quel-bilan-de-la-tournee-sud-est-asiatique-de-xi-jinping]

Entre le 14 et le 18 avril derniers, le président chinois Xi Jinping s’est rendu pour des visites d’États au Vietnam, en Malaisie et enfin au Cambodge dans l’objectif de renforcer ses alliances commerciales. L’objectif est clair : résister et gagner la guerre commerciale initiée par son homologue étasunien Donald Trump.

Xi Jinping, chantre d'un multilatéralisme fondé sur le libre-échange

La tournée sud-est asiatique du dirigeant chinois, prévue depuis longtemps, prit une autre dimension à la suite de la hausse des taxes douanières, unilatéralement décidées par Washington. Premières lignes de mire de Trump : les économies asiatiques. En plus des 10% universel, la Malaisie s’en sort bien, avec 24% de droits de douanes sur ses exportations, là où le Vietnam (46%) et le Cambodge (49%) se retrouvent dans des situations plus sensibles. À travers cette tournée, Xi Jinping cherche à séduire ses partenaires devenus indispensables à l’aune de la taxation exorbitante de 145% qui pèse sur Pékin, qui surenchère avec une taxation de 125% les produits américains. La Chine est donc massivement impactée par ces hausses et se doit de trouver des solutions alternatives. S’assurer du soutien de ses pays alliés économiquement et négocier pour un potentiel renforcement de la coopération s’impose. 

Ainsi, Xi Jinping a entrepris ce voyage d’État pour renforcer la coopération avec ces trois pays amis. Ce déplacement constitue également une étape clé pour adresser un message d'avertissement à Washington : l’Asie s’unit, prends garde.

Au Vietnam, première étape, le leader du Parti communiste chinois (PCC) a insisté sur l'importance d’un multilatéralisme basé sur le libre-échange, en opposition au protectionnisme défendu par Washington. Aux termes de ces trois jours sur place, ce sont 45 accords commerciaux qui ont été signés, symbole de la réussite de l’entente sino-vietnamienne. Tom Lam, chef du Parti communiste vietnamien, a saisi l'opportunité de ce rapprochement avec Pékin qui vient combler la chaise vide laissée par l'abandon américain. La hausse des droits de douanes est perçue comme dramatique dans ce pays, qualifié de nouvel atelier du monde.

C'est ensuite en Malaisie que s’est rendu Xi Jinping du au 16 avril. Le pays est actuellement président de l'ASEAN, organisation liée à Pékin par un accord de libre-échange. 

Enfin, Xi Jinping s’est rendu au Cambodge le 17 et 18 avril pour y rencontrer le Premier ministre Hun Manet, le président du Sénat Hun Sen et le roi Norodom Sihamoni. Une visite importante pour le pays ami qui n’avait pas accueilli le chef du PCC depuis 2016. 

Intentions affirmées de Pékin : s’unir pour lutter contre le protectionnisme

Au-delà des divers accords signés, ce qui ressort de ces trois visites est cette volonté d’approfondir leurs relations économiques, de se montrer uni et en désaccord avec le souhait étasunien de recul protectionniste. Les quatres dirigeants exposent ainsi leur souhait de continuer à se battre pour le multilatéralisme et de ne pas faiblir face à l'instabilité régionale. 

Le FMI a d’ailleurs revu en baisse les perspectives de croissances économiques des 10 pays de l’ASEAN. Pour 2025, c’est une croissance moyenne de 4,1 qui est attendue, ce qui représente une baisse de 0,6 points. Il semblerait que la perspective de hausse des droits de douanes qui affecte de façon sévère ces pays, y soit pour quelque chose.

Lors du premier jour de tournée, au Vietnam, le dirigeant chinois a indiqué que le protectionnisme « ne mène nulle part ». Il se place alors en opposant cette pratique qui devient celle de Donald Trump. Dans ce contexte, la Chine apparaît comme un partenaire fiable et stable, contrastant avec les États-Unis, perçus comme plus imprévisibles et agressifs. 

La guerre commerciale redéfinit les stratégies chinoises : cap sur l'Asie du Sud-Est

Ainsi, semblent se redéfinir les priorités économiques chinoises, passant à présent par un renforcement de sa présence en Asie du Sud-Est. Ce regard tourné vers l’Asie du Sud-Est n’est pas neuf, mais tend à se renforcer. En témoigne l’importance accordée au Cambodge, où la Chine est devenue le premier partenaire commercial (15 milliards de dollars d’échanges en 2024, soit près de 30 % du commerce cambodgien). Pékin est aussi le premier investisseur avec près de 1200 usines installées sur l’ensemble du Cambodge. De plus, un tiers de la dette de Phnom Penh est aux mains de Pékin. L’exemple cambodgien montre à quel point les économies sud-est asiatiques sont interdépendantes. 

Ainsi, là où les décisions de Washington apparaissent comme inamicales, le déplacement du dirigeant chinois témoigne d’une nouvelle étape de la coopération sino-asitaique dans différents domaines (coopération éducative, militaire, culturelle, commerciale). 

Au Cambodge, cela passe par l’augmentation des bourses d’études en Chine pour les étudiants cambodgiens. Une promesse de 1000 bourses supplémentaires sur trois ans a été faite. Autre domaine : la diplomatie des infrastructures. Le 5 avril dernier a été inaugurée une base navale rénovée par la Chine, mais sans usage exclusif de Pékin. Quant au Canal Funan Techno, projet phare du nouveau gouvernement cambodgien, la Chine s’est félicitée durant son déplacement de ce partenariat stratégique, financé à 59% par Pékin. Cela illustre ainsi la volonté chinoise de rapprochement afin d’affirmer son hégémonie régionale de manière plus subtile.

Xi Jinping : garant de la stabilité sud-est asiatique ?

Outre cette guerre commerciale qui cristallise actuellement la relation sino-américaine, il convient de rappeler que Trump a ouvert la porte au soutien chinois sur d’autres fronts. Depuis son investiture, le 147ème président américain a réduit drastiquement les financement de l’USAID, qui ont donc fermé leur MOT au Vietnam, au Cambodge et en Malaisie. «  Ce que fait Trump, c'est essentiellement offrir à la Chine une occasion parfaite de repenser, de renouveler les projets de soft power et de se remettre sur la voie du leadership transglobal. » explique le professeur Huang Yanzhong à propos de la fin de USAID pour The Guardian.  

Autre domaine, le journalisme avec la fermeture de Radio Free Asia. Ce qui selon Harold Thibault peut être analysé comme :« un cadeau fait à la Chine » apparaît aussi comme le symbole d’une fin progressive de l’amitié américano-asiatique.

Un vent d’instabilité est apparu depuis le 20 janvier 2025, faisant reconnaître aux pays sud-est asiatiques leur dépendance à l’égard de Washington. Le sursis de 90 jours de la hausse des taxes douanières laisse présager de vives négociations. Pour eux : Washington reste toujours un allié important. Ils ne peuvent tourner le dos à la première économie mondiale. 

Par son style de communication calme et pesé, Xi Jinping cherche à se positionner en garant de la stabilité régionale, à rebours des outrances verbales de Donald Trump. Sans jamais nommer directement son rival américain, il a durant ces visites d’État adopté une stratégie feutrée qui vise à rassurer ses trois partenaires tout en consolidant son influence dans la région. Le message envoyé apparaît nettement : la dynamique est celle de créer un immense espace d’échanges sino-asiatiques. 

Une tournée gagnante-gagnante ? 

La tournée de Xi Jinping en Asie du Sud-Est apparaît alors comme un franc succès, tant sur le plan diplomatique, stratégique qu'économique pour la Chine. Dans un contexte tendu de guerre commerciale, Pékin a su renforcer ses alliances économiques et politiques par la signature de multiples accords. Les trois pays visités, Malaisie, Vietnam et Cambodge en sortent également gagnants, en confortant leur place de partenaires commerciaux privilégiés d’une Chine en quête d’alternatives face à la pression américaine. « La récente visite d'État du président chinois Xi Jinping au Cambodge a produit des résultats fructueux, dessinant un plan stratégique pour une coopération gagnant-gagnant à long terme et à multiples facettes entre les deux pays, a déclaré un expert cambodgien », peut-on lire sur l’agence de presse Xinhua. La question de la durée est ici importante, laissant présager une coopération de longue haleine, envoyant le message du sérieux et de la loyauté de Pékin. 

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