Quand Washington dompte les résolutions de conflits entre Bangkok et Phnom Penh

Article publié le Nov 03, 2025
Élise ROY
5ème année, Master Relations Internationales à Sciences Po Strasbourg
Pour citer ce baragouin :
Élise ROY, "Quand Washington dompte les résolutions de conflits entre Bangkok et Phnom Penh", BARA think tank, publié le Nov 03, 2025, [quand-washington-dompte-les-resolutions-de-conflits-entre-bangkok-et-phnom-penh]

Dans les rues de Phnom Penh, des dizaines de tuk tuk célèbrent la signature de la déclaration de cessez-le-feu signée avec Bangkok. Des drapeaux cambodgiens sont fièrement attachés sur le devant du véhicule. En ligne, sur Facebook, on échange des messages de joie et parfois des photomontages tournant la scène de signature quadripartite en dérision. Au sein des gouvernements, la déclaration est saluée. Les conflits qui se sont étendus du 24 au 28 juillet 2025 ont fait 48 morts selon les estimations officielles. Mais ce sont des millions de citoyens de part et d’autre qui furent impactés. Les économies des deux pays sont elles aussi victimes de cette violence foudroyante. Cette déclaration représente donc l’espoir d’une fin des violations de la trêve signée le 28 juillet dernier et un retour à la normale. 

Mais, au fond, cet accord habité par l’ombre de Donald Trump, n’arrive-t-il pas trop tôt comme l'expriment certains experts ?

Washington tire les ficelles du jeu

Usuellement, Donald Trump boude les Sommets de l’ASEAN. La place est laissée à la Chine, qui exerce une influence notable à travers l’entité ASEAN+3. Mais cette année, alors que le Sommet se déroule à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, Trump a fait honneur de sa présence. Faut-il y voir le souhait de s’affirmer en Asie du Sud-Est ? De concurrencer l’influence chinoise ?

C’est encore sur le terrain des négociations de paix que Trump fait entendre sa voix. En assistant la déclaration de cessez-le-feu entre la Thaïlande et le Cambodge, il réaffirme son expertise de faiseur de paix, comme il aime à le revendiquer. Soit, laissons-lui cela. Mais qu’a-t-il réellement accompli entre Phnom Penh et Bangkok ?

Durant cinq jours en juillet dernier, les deux armées, cambodgiennes et thaïlandaises, ont échangé des tirs de roquette voire d’artillerie lourde, provoquant la mort de 48 personnes. Rapidement, la Chine cherche à se faire médiatrice, l’ASEAN également. Trump, alors dans sa course au Nobel se propose et permet la signature, sous l’égide de l’ASEAN, d’une trêve le 28 juillet 2025. Depuis, plusieurs délégations étrangères se sont relayées pour observer le maintien de la trêve. Des médias comme le Thaïlandais The Nation, ne cessent de relayer des informations de violations par le Cambodge, qui n’a cessé de démentir. Phnom Penh par l’intermédiaire du ministère de la Défense n’a de cesse de démentir toute fausse information, de documenter tout franchissement de la trêve par l’armée et de rappeler que 18 de ses soldats sont toujours captifs.

Quid des 18 otages Cambodgiens ?

Depuis la fin des cinq jours de conflit, 18 soldats sont maintenus prisonniers en Thaïlande. Phnom Penh avait récupéré le 1er août deux soldats à la suite de négociations. Tous deux présentaient des séquelles physiques et psychologiques dues aux conflits et de la captivité. Après trois mois, les 18 hommes que le peuple cambodgien a salué par leur bravoure, vont revenir au pays. Le point 5 de la déclaration jointe entre les deux premiers ministres publiés sur le site de la Maison Blanche le prévoit. « En guise de démonstration de la volonté de la Thaïlande de promouvoir la confiance mutuelle, elle s’engage à libérer rapidement les prisonniers de guerre ». Cherche à savoir maintenant, ce que signifie « rapidement ». Bangkok fait un pas vers Phnom Penh, une avancée significative permise par l’accord de cessez-le-feu.

Une déclaration conjointe aux allures d’accords de paix

Dans une déclaration conjointe, publiée, entre autres, sur le site de la Maison Blanche, Hun Manet et Anutin Charnivrakul s’engagent à « désamorcer la situation », tout en « rétablissant la confiance et les relations [passées] mutuellement bénéfiques ». Pourtant, au sein des médias thaïlandais, la voix du Premier ministre Charnivrakul transmet le message : « [qu’]il s’agit pas d’une cessez-le-feu ou d’un accord de paix, mais d’une déclaration jointe, un cadre pour guider nos deux pays vers la paix et la stabilité ».

Et en effet, en observant de plus prêt le document signé lors de la réunion, l’accord de paix « peace deal » n’est pas un accord de paix, au sens juridique du terme, mais bel et bien une déclaration conjointe. La force juridique y est plus limitée. Aucune clause de sanction n’est apposée aux huit engagements explicités dans les lignes de la déclaration. Toutefois, les deux parties saluent, chacune sur leurs canaux diplomatiques, d’avoir trouvé un terrain d’entente.

Quelques heures seulement après la signature, les deux pays ont, comme explicité avec le point 1 de la déclaration, repositionné leurs armes lourdes « comme auparavant ». Si ce moment est jugé « historique », il est parfois considéré hâtif. Les tensions frontalières persistent, les nationalismes sont exacerbés.  

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