Face à un isolationnisme croissant des États-Unis d’Amérique, pays historiquement allié à la République japonaise et principal protecteur de celle-ci, le dilemme d’une armée japonaise ré-imaginée émerge à nouveau.
« Le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force (…) il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales ou aériennes, ou autre potentiel de guerre. »
L’ancrage pacifiste de la Constitution relève d’une vision solidariste des relations internationales, défendue par le Japon dans les grandes instances internationales. Or, cet article n’est pas sans polémique. Rédigé en 1945 et entré en vigueur en mai 1947, il répond à la vision onusienne du règlement pacifique des différends. Cependant, sa rédaction s’inscrit dans le contexte d’un Japon occupé par les forces de MacArthur, et témoignerait, pour certains, d’une ingérence interne des États-Unis. Ainsi, le pacifisme japonais est dès lors dicté par la déclaration de Potsdam de 1945, imposant au Japon le respect des droits de l’Homme et la quête de la paix.
La guerre froide remet rapidement en cause le pacifisme à l’échelle mondiale. Le Premier ministre de l’époque, S. Yoshida, pousse alors pour des réformes conséquentes axées sur l’économie. Similaire au modèle allemand, sont favorisés les investissements dans les branches compétitives, au détriment des nécessités militaires. La « doctrine Yoshida » scelle ainsi une dépendance défensive vis-à-vis des États-Unis, concrétisée par le traité nippo-américain de 1951, permettant à Washington d’installer des bases sur le territoire nippon.
Ce traité fut vu comme avantageux, car il permit à Tokyo de se concentrer sur la reconstruction, et de déléguer la lutte contre les hostilités communistes à son allié américain. Il rompt alors officiellement avec l’ancien expansionnisme japonais et son agressivité passée envers Washington, qui avait poussé Homer Lea à consacrer un ouvrage entier à cette question.
Cependant, le traité remet fondamentalement en cause le pacifisme, en faisant entrer le Japon dans la sphère d’influence militaire américaine, l’engageant ainsi indirectement dans la chasse aux communistes. La classe politique se polarise dès lors : d’un côté, les fidèles à la Constitution ; de l’autre, ceux préoccupés par les puissances limitrophes.
Sont alors créées, en 1954, les Forces japonaises d’autodéfense (FAD / Jieitai), censées servir de compromis, mais incarnant au final une double réalité : celle d’une défense minimale, faisant face à l’aversion de la population pour les conflits.
Face aux menaces croissantes d’une Chine revendiquant une partie de la mer de Chine méridionale menaçant ainsi l’intégrité territoriale japonaise des questions se posent quant au pacifisme. Dans une zone de plus en plus tendue, notamment à travers des menaces, des exercices militaires et des « grignotages de territoire » par la Chine, de nombreux pays ont développé des mécanismes de dissuasion. La Corée du Sud et les États-Unis, par exemple, ont installé des systèmes THAAD (missiles de défense) et mènent des manœuvres militaires conjointes.
Cependant, le Japon a été qualifié par Donald Trump, lors de son premier mandat, de « passager clandestin » profitant du parapluie américain. En 2025, le Japon constate ce qui s’apparente à un désengagement américain dans plusieurs régions, et a également été victime des politiques de tarification. Ainsi, face à l’incertitude autour des garanties américaines, les dilemmes sécuritaires sont à nouveau ravivés.
De plus, le positionnement japonais dans le conflit russo-ukrainien laisse entendre que le Japon est aux côtés de deux puissances belliqueuses, ce qui alimente l’idée d’un renouveau sécuritaire.
Ce renouveau sécuritaire suppose des lois, voire un amendement de la Constitution. Or, ce processus nécessite une majorité des deux tiers dans les deux chambres, ainsi qu’une approbation populaire.
Certaines initiatives pragmatiques ont certes fonctionné. De telle façon, en 2015, une loi de sécurité nationale est votée, étendant le périmètre d’action des FAD. L’internationalisation de ces forces, via des missions de maintien de la paix comme au Timor oriental (2002-2004) ou sur le plateau du Golan (1996), a contribué à forger l’image d’une armée tournée vers la défense, honorant la doctrine de la « paix éternelle » (préambule de la Constitution), sans pour autant remettre fondamentalement en cause le rapport du Japon à la dissuasion militaire.
Shinzo Abe, ancien Premier ministre, avait ainsi été à l’initiative d’une redéfinition de la doctrine géostratégique, centrée autour de la création d’un « diamant stratégique » avec les États-Unis et l’Australie. Cependant, à la suite de son assassinat et de la reconfiguration de la politique de la Maison-Blanche, l’incertitude autour de l’article 9 est désormais de nouveau placée au cœur du débat public et des préoccupations de l’élite japonaise.
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