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Le 19 octobre 2025, le Louvre reste désert. Les salles sont silencieuses, les œuvres ne rencontrent pas leur lot d’admirateurs habituels. Car quelques heures auparavant, quatre individus, aidés d’un monte-charge et fuyant sur de simples scooters “t-max”, ont volé quelques des plus grands (et seuls ! ) joyaux de l’Histoire de France.
Alors, les médias, les réseaux sociaux se questionnent : Comment ont-ils fait ? Comment la sécurité du Louvre a-t-elle pu faillir à ce point ? Mais ces questions, bien que légitimes, cachent la réalité des faits : la négligence patente accordée à la Culture, à fortiori aux arts majeurs, les dégâts d’une politique trop lâche sur l’Art et les musées. En somme, on voit en cet évènement un cas malheureux mais isolé, quand il n’est que la plus parfaite démonstration des failles d’un système déjà bien érodé.
Mais de quelles failles parle-t-on alors ?
À l'été 2025, on s’alarme des coupes budgétaires régionales. Les communautés territoriales donnent moins, et moins souvent. Sur l’année 2025, la moitié ont revu leur budget à la baisse, entre 10 à 20% pour certaines.
Cependant, ces coupes pourraient être moins alarmantes, si l’État se montrait plus contributeur. Car les quelques 0,6% du budget total de l’État alloués au ministère de la Culture, soit 4,6 milliards d’euros, ne semblent pas suffisants. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2021, les collectivités territoriales contribuent trois fois plus que l’État au financement du secteur public de la Culture. Comment un tel manquement de l’État est-il alors possible? Et surtout, quand les collectivités céderont trop de terrain, quel domaine culturel sera impacté ?
De plus, le cas du Louvre est loin d’être anecdotique. Pourtant, il fait figure d’exception dans le paysage culturel français, puisqu’en tant qu' institution nationale, il est sous la tutelle directe de l’État.
En 2024, son budget était réduit de 3 millions d’euros. Certes, cela peut paraître peu au regard de la centaine de millions de subvention annuelle de l’État, et des montants à peu près égaux reçus de la vente des billets, du mécénat,…
Mais la situation, en janvier 2025, paraît dramatique. Une note de Laurence des Cars, directrice du musée du Louvre, paraît dans la presse. Y est pointé du doigt une « multiplication d’avaries » et on déplore la situation : « c’est ahurissant. Le plus grand musée du monde est dans un état qui est affligeant. » Quelle affligeance ? Celle d’un lieu parfois insalubre, souvent pas à la hauteur de sa nature, où les infiltrations d’eau sont légion et où des travaux de grande ampleur se révèlent nécessaires, pour un bâtiment de, rappelons-le, près d’un demi-millénaire. En comparaison, la seule préservation du château de Versailles, dont les richesses peuvent être comparées à celles du Louvre, nécessite plus de 150 millions d’euros.
Le budget, donc, n’est pas suffisant, quoique son montant soit déjà ahurissant pour le spectateur, ou mériterait d’être mieux alloué. Prenons l’hypothèse, puisque nous ne sommes pas experts en muséologie, d’un montant inadéquat, pour un musée tout de même hors norme, qui expose les joyaux de notre civilisation et accueille près de dix millions de visiteurs par an. Et qui verra, en 2025, son budget rogné de 52 millions d’euros. Notre ministre de la Culture, Rachida Dati, n’a su que proposer une hausse des tarifs du musée pour les visiteurs non-européens, mesure bien fantoche, puisqu’elle ne rapporterait « que » 10 millions d’euros, une somme bien loin de l’équilibre budgétaire du musée.
Au-delà, le cas du Louvre et de son cambriolage est loin d’être un fait isolé. Ces dernières années, les musées français ont souffert de bien des larcins.
Dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, au sein du musée Thomas-Dobrée, l’écrin d’or contenant le cœur d’Anne de Bretagne est dérobé par quatre individus casqués, malgré la présence d’une équipe de sécurité sur place. D’autres pièces, une statue hindoue dorée et de la monnaie médiévale, disparaissent dans le sac des malfaiteurs. Si le vol provoque une vive émotion, le reliquaire en or est retrouvé intact quelques jours plus tard.
Mercredi 20 novembre 2024, aux alentours de 10h30 du matin, au cœur du troisième arrondissement, le musée Cognac-Jay est le théâtre d’un spectacle violent. Quatre hommes armés et cagoulés pénètrent dans le paisible hôtel du XVIIIème siècle et subtilisent sept inestimables tabatières, dont une ornée de près de 3 000 diamants sertis dans un feuillage d’or. Les dommages historiques sont énormes, la crédibilité des musées français est endommagée ; sur ces tabatières, plusieurs appartenaient au Louvre, deux à la Couronne britannique, trois au Victoria and Albert Museum. Si les pièces ont bien été retrouvées il y a un an, fait relevant du miracle selon les experts, le traumatisme reste.
Ces évènements ne relèvent pas du fait divers. Il suffit de faire quelques recherches sur Internet pour se rendre compte de l’ampleur des vols commis dans les musées français, et même plus généralement européens. Musée d’Histoire Naturelle de Paris, musée Calvet d’Avignon, musée Adrien Dubouché de Limoges, musée Jacques Chirac de Sarran,… Cette énumération devrait déjà être révoltante, le fait que tous ces vols aient seulement été commis durant l’année 2025 l’est encore plus.
Alors, comment expliquer cet état de faits, qui vient déjà accabler un État critiqué pour sa gestion des affaires courantes, et dont l’irresponsabilité est pointée du doigt avec ce fameux cambriolage qui nous prive d’un patrimoine inestimable ?
L’explication pourrait tenir en un mot : le libéralisme. Un libéralisme effréné, où privatisations et coupes budgétaires sont légions. Partout, « on n’a plus l’argent », « il faut se serrer la ceinture ».
Certes, le besoin d’économies se fait cruellement ressentir et est évidemment une intention et une nécessité louable. Mais le pari pris par les autorités semble bien fragile, en témoigne cette journée de dimanche : à trop couper les budgets, on se retrouve avec des scènes quelques peu burlesques de touristes paniqués courant dramatiquement dans les couloirs du Louvre pendant que des individus masqués prennent la fuite sur un scooter de ville, et laissent tomber sur le pavé la couronne de l’Impératrice Eugénie, une merveille historique et artistique de plusieurs milliers de diamants.
Plus révoltant encore, les solutions proposées par les acteurs du débat public. Attention, on ne traitera pas ici de décisions de l’État, sinon que de conseils donnés par ceux qui voudraient bien que l’œil présidentiel se tourne vers eux . Ainsi, l’iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, laboratoire d’idées proche de la droite libérale et déclaré comme lobby auprès de l’Assemblée Nationale), propose en 2024 à un Sénat à la teinte fort bleu marine un dossier pour faire des économies. Et dans ce dossier est glissée bien innocemment l’idée d’une privatisation de pans entiers du secteur culturel. À titre d’exemple, l’École et le Musée du Louvre, l’Opéra de Paris, le musée d’Orsay, pour des économies chiffrées à 3,9 milliards d’euros. Dans le même dossier, on propose de privatiser certains fleuves français, Météo-France et l’audiovisuel public. Certes, ces prescriptions n’ont qu’un caractère de proposition. Il est cependant intéressant de noter que ces informations, pourtant confidentielles dans un premier temps, ont été relayées par Les Échos, propriété d’un certain Bernard Arnault, qui fait déjà une concurrence hardie aux musées publics par sa fondation Louis Vuitton.
En proposant la privatisation de ces musées, on crée un problème bien plus grave que des vols certes symptomatiques mais encore épisodiques. La privatisation touche au principe même d’art et d’Histoire. La culture est avant tout une affaire nationale. L’Histoire ne saurait être la propriété de quelques fortunés qui pourraient la réécrire, et faire parler les œuvres comme bon leur semble, à l’image du Puy du Fou de Philippe de Villiers qui tend à décrire les Révolutionnaires comme de pauvres imbéciles assoiffés de sang et les nobles comme des êtres purs au grand cœur victimes d’une terrible infamie.
Préserver l’indépendance des musées, mais aussi protéger les œuvres qui s’y trouvent apparaît donc une nécessité. Une nécessité humaine. Car si certains ne voient en cela qu’une affaire d’argent, c’est surtout une affaire humaniste qui s’y trame.
Notre patrimoine est avant tout notre prestige national. À la suite du vol du Louvre, les plus grands journaux du monde ont des titres bien acerbes : « La France a lamentablement échoué dans la prise en charge de son patrimoine » écrit par exemple El Pais. Quelle honte, pour un pays mettant si souvent en avant son patrimoine ! Quelle crédibilité peut-on se targuer d’avoir à l’étranger, si nous ne sommes pas capables de prendre soin de notre propre Histoire ?
Ce vol pose aussi un problème économique. Car la culture est aussi un secteur qui rapporte gros, qui amène de nombreux touristes. Le Louvre n’est pas juste un musée, c’est le musée le plus visité du monde. Dans le monde entier, les œuvres, la culture française rayonnent. Ces vols tâchent de leur opprobre cet éclat.
Enfin, ce patrimoine est important pour notre pays. À un moment où tout se déchire, où les politiques s’entretuent à coups de sentences implacables et où chacun relit notre Histoire à sa manière, les œuvres restent immuables. Elles sont le témoignage concret d’une réalité ancienne qu’on ne peut modeler au gré de ses envies politiques. Elles prouvent ce qu’a été notre pays. Perdre ce patrimoine, c’est donc perdre des justifications de notre particularisme. Et à un moment où le mot d’identité n’a jamais été aussi présent dans le débat public, il est nécessaire de pouvoir se reposer sur les restes d’un passé qu’on mobilise à tort ou à raison.
Le Monde, « Après le cambriolage éclair du Louvre, la direction du musée… », 19 octobre 2025, Rachida Dati (ministre de la Culture) et Emmanuel Macron (président de la République)lavenir.net+1.
Radio France, « Au Louvre, un cambriolage qui passionne la planète et questionne la France », 20 octobre 2025, équipe de France Interradiofrance.fr.
Euronews, « De Rembrandt à De Vinci : les plus célèbres cambriolages… », 19 octobre 2025, Thibault Camus (AP)euronews.com+1.
Le Monde, « Cinq tabatières dérobées au Musée Cognacq-Jay en 2024 », 14 octobre 2025, Emmanuelle Hunzinger (AFP)france3-regions.franceinfo.fr+1.
Le Parisien, « Le musée du Louvre cible d’un braquage ce dimanche… », 19 octobre 2025, Laurent Nuñez (ministre de l’Intérieur) et Laure Beccuau (procureure de Paris)rtl.be+1.
BBC, « ‘Priceless’ jewels stolen in raid on Louvre Museum in Paris », 19 octobre 2025, Thibault Camus (AP)bbc.com.
Le Parisien, « Cambriolage au Louvre : les enquêteurs ont récupéré un… », 19 octobre 2025, Laure Beccuau (procureure de Paris)franceinfo.fr.
Le Figaro, « Comprendre le cambriolage du Musée du Louvre en… », 20 octobre 2025, Christine Albanel (ancienne ministre de la Culture)franceinfo.fr.
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