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La présidence de Donald Trump marque un tournant net dans l’exercice du pouvoir exécutif américain. Sous son impulsion, la théorie constitutionnelle dite de “l’exécutif unitaire” reprend force, défiant les équilibres traditionnels entre les branches du gouvernement. En s’appuyant sur un pouvoir présidentiel maximaliste, Trump réinvente la fonction présidentielle à travers une centralisation spectaculaire de l’autorité, avec des implications majeures pour la démocratie américaine.
La théorie de l’exécutif unitaire constitue une interprétation particulièrement extensive et controversée de l’Article II de la Constitution des États-Unis. Elle repose sur deux clauses fondamentales : la Vesting Clause (« The Executive power shall be vested in a President of the United States of America ») et la Take Care Clause (« shall take care that the laws be faithfully executed »). Selon ses partisans, ces dispositions confèrent au président un contrôle exclusif, indivisible et hiérarchique sur l’ensemble de la branche exécutive. En d’autres termes, le pouvoir exécutif, à la différence du pouvoir législatif réparti entre les deux chambres du Congrès, est concentré entre les mains d’une seule personne : le président. Cette lecture implique que ce dernier détient un pouvoir illimité de nomination, de direction et de révocation sur l’administration fédérale, y compris sur les agences dites « indépendantes », lesquelles, dans cette logique, ne sauraient échapper à son autorité.
Apparue de manière plus affirmée durant la présidence de Ronald Reagan, cette doctrine s’inscrit dans une conception textualiste et originaliste du droit constitutionnel américain, selon laquelle le texte de la Constitution doit être interprété selon son sens littéral et l’intention originelle des Pères fondateurs. Toutefois, cette interprétation conduit à une conception quasi monarchique du pouvoir exécutif : le président y apparaît comme la source unique de l’autorité administrative, ce qui réduit la marge d’autonomie des agences et limite considérablement la capacité du Congrès à exercer sa fonction de contrôle.
Si la théorie de l’exécutif unitaire s’affirme doctrinalement à l’époque de Ronald Reagan, elle prend toute son ampleur sous la présidence de George W. Bush. Le vice-président Dick Cheney, marqué par les restrictions imposées à la Maison-Blanche après le Watergate, voit dans le renforcement du pouvoir exécutif une mission historique : restaurer l’autorité présidentielle affaiblie par le Congrès. Entouré de conseillers comme David Addington et John Yoo, il donne à la théorie une portée opérationnelle, en en faisant le socle d’une présidence sans entraves.
Dans le contexte post-11 septembre, cette conception devient la justification d’un élargissement inédit des prérogatives présidentielles au nom de la sécurité nationale. L’administration Bush invoque l’article II de la Constitution pour affirmer le droit exclusif du président de conduire la guerre contre le terrorisme. Les signing statements sont utilisés pour contester ou ignorer certaines dispositions votées par le Congrès, tandis que les programmes de surveillance de la NSA et les Torture Memos du Department of Justice traduisent l’idée que le commandant en chef dispose de pouvoirs inhérents, non soumis au contrôle législatif ou judiciaire.
Cette centralisation du pouvoir s’accompagne d’un discours idéologique fort : selon Cheney, la présidence, seule institution élue au suffrage national, doit pouvoir agir rapidement pour protéger le pays. Sous Bush, la théorie de l’exécutif unitaire cesse d’être une abstraction doctrinale : elle devient une méthode de gouvernement, ouvrant la voie à la présidence hypertrophiée que Donald Trump portera à son paroxysme.
Donald Trump s’inscrit dans la continuité de cette vision extrêmement centralisée du pouvoir présidentiel. Dès son premier jour au pouvoir, il se saisit pleinement des executive orders pour transformer l’administration fédérale à son image, licenciant hauts fonctionnaires, puisant dans ses prérogatives pour contrôler la machine étatique de façon directe. Trump adopte explicitement la doctrine de l’exécutif unitaire, revendiquant un pouvoir quasiment illimité sur y compris les agences indépendantes, réduisant ainsi le rôle du Congrès et de la justice dans le contrôle de l’exécutif. Sa gestion montre une volonté de contourner les contre-pouvoirs par une gestion verticale et personnalisée axée sur la loyauté politique.
Trump applique la théorie de l’exécutif unitaire de manière agressive. Dès son premier jour à la Maison-Blanche, il a licencié massivement des hauts fonctionnaires fédéraux, même ceux protégés par des garanties procédurales, afin de remodeler l’administration en fonction de sa loyauté politique. Cette purge a permis de réduire considérablement l’autonomie des agences indépendantes, traditionnellement peu soumises à l’influence directe du président. Par ailleurs, il n’a pas hésité à mobiliser la Garde nationale dans plusieurs États, en premier lieu dans le district de Columbia, qui héberge la capitale du pays Washington, n'hésitant pas à invoquer de prétendues hausse de la délinquance et de l'insécurité. Il consolide ainsi encore son contrôle sur les forces de l’ordre et l’administration locale au nom de la sécurité intérieure. Cette démarche reflète la volonté d’un pouvoir exécutif fort et vertical, où toute résistance interne est rapidement neutralisée, conformément à l’interprétation maximaliste des clauses présidentielles de la Constitution.
Sur le plan militaire et géopolitique, Trump reprend également le paradigme de la guerre préventive, déjà incarné par Cheney. Il considère la possibilité d’une intervention unilatérale contre le Venezuela, invoquant la défense des intérêts américains et la sécurité nationale, malgré le scepticisme ou l’opposition du Congrès et de la communauté internationale. Cette posture illustre la mise en œuvre pratique de la théorie de l’exécutif unitaire appliquée à la politique étrangère : le président décide seul de lancer des opérations militaires, sans passer par des processus institutionnels classiques. La question de la légitimité et des conséquences d’une telle action est pourtant au cœur du débat politique américain actuel.
La présidence Trump marque ainsi un retour spectaculaire de la théorie de l’exécutif unitaire aux États-Unis, radicalisant la concentration des pouvoirs au sommet de l’exécutif. Trump pousse plus loin que ses prédécesseurs la personnalisation du pouvoir et la réduction des contre-pouvoirs, articulant autoritarisme et pragmatisme politique. En somme, Trump incarne une pratique moderne de l’exécutif unitaire, transformant la présidence en un pouvoir fort, souvent contesté, mais inévitable dans le contexte politique américain contemporain.
Steven Calabresi & Christopher Yoo, The Unitary Executive: Presidential Power from Washington to Bush, Yale University Press, 2008
John Yoo, The Powers of War and Peace, University of Chicago Press, 2005 ● Richard J. Hunter Jr. & John H. Shannon, “The Unitary Executive Theory: An Attack on the Independence of Certain Federal Agencies” Archives of Business Research, 2025
Justin Jouvenal, “Supreme Court Has Expanded Presidential Powers Under Trump. How Far Will It Go ?”,The Washington Post, 2 novembre 2025
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